Valluis Avocats

Nathalie Valluis, Avocat – Septembre 2024

La bonne nouvelle pour commencer

Le régime fiscal des dividendes est très similaire à celui des intérêts. Si vous avez lu l’article sur la Fiscalité des intérêts, vous devriez avoir le sentiment d’être en terrain connu, à quelques nuances près (seuils pour la demande de dispense d’acompte, impact des retenues à la source sur les dividendes de source étrangère).

 

Sinon, tout est (re)détaillé ci-dessous.

 

 

Ca va mieux en le rappelant : qu'est ce qu'un "dividende"

Les dividendes correspondent :

  • Aux revenus distribués
    • Par les sociétés passibles de l’IS ou d’un impôt équivalent ou soumises sur option à cet impôt, ayant leur siège dans l’EU ou dans un Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales
    • et résultant d’une décision régulière des organes compétents
  • A la part des revenus correspondant à des dividendes (« coupon dividendes ») distribués ou répartis, notamment, par :
    • Les OPCVM régis par les articles L. 214-2 et suivants du code monétaire et financier
    • Les FIA relevant de la directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2021
    • Les OPCVM comparables à ceux mentionnés ci-dessus, constitués sur le fondement d’un droit étranger et établis dans un Etat membre de l’EEE

1ère étape : les prélèvements à la source

Les organismes qui versent des dividendes (“établissements payeurs”) ont une obligation de collecte de l’impôt. Bien avant le dépôt de la déclaration de revenus, c’est donc déjà un dividende net que reçoivent les personnes physiques résidentes fiscales françaises. 

 

L’établissement payeur doit prélever, lors du paiement des dividendes : 

  • Un acompte d’impôt sur le revenu (prélèvement forfaitaire non libératoire / PFNL) de 12,8%, sauf demande de dispense formulée par le bénéficiaire du revenu
  • Les prélèvements sociaux (PS) : CSG 9,2%, CRDS 0,5%, prélèvement de solidarité de 7,5%, soit un taux global de 17,2%

 

Une exception à l'acompte : la demande dispense

Le bénéficiaire des dividendes peut demander à l’établissement payeur de ne pas effectuer le PFNL (dispense d’acompte) pour une année donnée (année N) si le revenu fiscal de référence du foyer fiscal de l’avant dernière année (revenu fiscal N-2) est inférieur à (attestation sur l’honneur à adresser avant le 30 novembre N-1) :

  • 50.000 € pour les contribuables célibataires, divorcés ou veufs
  • 75.000 € pour les contribuables soumis à une imposition commune

Attention : les seuils sont différents de ceux retenus pour la dispense d’acompte sur les intérêts. Il y a donc 2 demandes de dispense distinctes, même si elles figurent souvent dans un document unique. Un bénéficiaire peut ainsi être dispensé d’acompte sur les dividendes mais pas sur les intérêts. L’inverse n’est pas vrai, puisque le seuil de dispense pour les intérêts est inférieur au seuil applicable pour les dividendes.

 

Les PS sont dus y compris en cas de dispense du PFNL. 

 

 

2ème étape : déclaration des revenus et calcul de l'impôt

Les prélèvements effectués par l’établissement payeur ne modifient pas les obligations du bénéficiaire, qui doit déposer une déclaration d’impôt sur le revenu indiquant le montant brut (avant PFNL et PS) des dividendes reçus. Ces éléments sont pré-remplis mais doivent être vérifiés et modifiés si nécessaire.

 

L’impôt est ensuite calculé :

  • En appliquant au revenu brut (sans aucun abattement ou déduction de frais et charges) un taux fixe de 12,8 %
  • Ou, sur option du bénéficiaire, en appliquant le barème progressif. Dans ce cas, la base taxable est constituée par un revenu net, déterminé après un abattement de 40% (taxation sur 60 pour un dividende de 100), déduction d’une quote-part de CSG (voir « Pour les curieux ») et d’éventuels frais et charges (ex. droits de garde). L’option est globale (applicable aux intérêts, dividendes et plus-values), annuelle et expresse.

Les PS s’ajoutent à l’imposition sur le revenu, qu’elle soit au taux de 12,8% ou au barème progressif. Avec le taux fixe de 12,8%, la taxation globale (impôt sur le revenu et PS) est de 30%. Par simplification, la notion de flat tax / prélèvement forfaitaire unique de 30% est souvent utilisée. Elle regroupe cependant deux prélèvements de nature différente.

 

Le PFNL effectué par l’établissement payeur ne correspond pas à l’impôt sur le revenu lui-même mais à un acompte. Dans l’avis d’imposition, un crédit d’impôt égal au montant de cet acompte est déduit et remboursable pour la part qui dépasserait le montant effectivement dû.

 

 

 

Dividendes de source étrangère et crédit d'impôt

De nombreux pays prélèvent une retenue à la source (RAS) sur les dividendes versés par les sociétés situées sur leur territoire à des actionnaires ayant leur résidence fiscale dans un autre Etat. La France impose quant à elle les résidents fiscaux français sur leurs dividendes de source étrangère (principe d’imposition sur le revenu mondial des résidents fiscaux français). Il y a donc une double imposition.

 

Pour éviter cela, la plupart des conventions fiscales prévoient que la France accorde à ses résidents un crédit d’impôt égal à la RAS étrangère. Son montant est généralement limité à l’impôt français (crédit dit « non restituable » : si la RAS étrangère dépasse l’impôt français, le crédit d’impôt est égal à l’impôt français). L’objectif n’est en effet pas de rembourser la totalité de l’impôt étranger mais de s’assurer que le revenu ne supporte qu’une fois l’imposition.

 

Exemple (chiffres fictifs)

Dividendes de source allemande : 100

Retenue à la source en Allemagne : 15

Crédit d’impôt théorique en France : 15

Impôt français : 12,8

Le crédit d’impôt est limité à 12,8 (au lieu de 15).

 

Bilan fiscal pour le bénéficiaire des dividendes

Impôt allemand :           15

Impôt français :             12,8

Total :                           27,8

– crédit d’impôt           -12,8

Imposition réelle         15 

 

La double imposition a bien été corrigée. Si la France avait accordé un crédit d’impôt de 15, elle aurait, en pratique, remboursé l’impôt allemand à hauteur de 2,2 (15-12,8), ce qui n’est pas le but des conventions fiscales.

 

 

Pour les curieux : déductibilité partielle de la CSG et "De Ruyter"

CSG partiellement déductible : La CSG prélevée sur les dividendes est déductible à hauteur de 6,8% lorsqu’ils sont imposés au barème progressif de l’impôt sur le revenu. Elle est en revanche non déductible lorsqu’elle s’est appliquée à des revenus imposés au taux fixe.

 

“De Ruyter” (du nom de la personne qui a gagné le contentieux sur ce sujet) : Les personnes qui relèvent du régime d’assurance maladie d’un autre Etat membre de l’UE (et Suisse) et ne sont pas à la charge d’un régime obligatoire de sécurité sociale français ne sont pas assujettis à la CSG et CRDS sur leurs produits de placement (notamment dividendes). Lorsque ces personnes justifient de leur situation dans les conditions fixées par la règlementation (attestation), l’établissement payeur applique uniquement le prélèvement de solidarité de 7,5%.